Aups est une petite bourgade du haut Var, à l’époque de la guerre, il s’agissait à la fois d’une commune rurale vivant de l’agriculture (oliviers, élevage, etc.) et de la forêt où l’été les Toulonnais ou d’autres habitants de la côte Varoise venaient se reposer. Elle est l’une des portes du vaste plateau calcaire qui s’étend jusqu’à la vallée du Verdon et aux gorges au Nord qui fait limite avec le département des Basses-Alpes.
Les exploitations forestières étaient nombreuses dans les bois alentours, notamment le bois du Pelenc. Bon nombre de réfractaires au Service du travail Obligatoire s'y sont réfugiés. Ces exploitations étaient parfois des maquis déguisés. C’est là que Louis PICOCHE, responsable maquis du CDL (Comité départemental de la Libération) du Var, avait fait établir le camp de "triage" du maquis A.S 'armée secrète) et c’est non loin d’Aups que vint s’établir bientôt le plus important maquis du haut Var, le maquis VALLIER.
De plus, à la fin du printemps 1944, un maquis F.T.P, (Franc Tireur Partisan) le camp ROBERT, s’y est établi, prenant une grande ampleur entre juin et août 1944. Les maquisards jouissaient à Aups, comme dans les bourgades proches (Les Salles, Aiguines, Régusse, Moissac etc.) de soutiens solides même au sein de la population. À Aups, le rendez-vous "Gaullistes" était au restaurant AUTHIEU. La Résistance locale était reliée au bas pays par l’indispensable lien que constituait le car, et jusqu'à Sillans la Cascade le petit train des pignes qui, difficilement, mais journellement, unissait Toulon, Draguignan et Aups, portant matériel et hommes de la Résistance au milieu de colis et de voyageurs . C’est pourquoi Aups devint en 1944 " la capitale des maquis du Var ". À noter qu’elle avait vu naître l’un des tout premiers comités locaux de libération, en 1943, à l’initiative, notamment, de Charles BOYER , ancien conseiller général radical-socialiste du canton, devenu commerçant à Marseille, qui fut fusillé à Signes le 18 juillet 1944.
Le 7 juin 1944, les F.T.P du camp Robert investirent le village et arrêtèrent 5 « collaborateurs ». Dès que la nouvelle arrive aux oreilles des Allemands de Draguignan, un colonne envoyée par la Feldkommandantur 800, composée d’une vingtaine d’Allemands, soldats, miliciens et policiers du SD, et de quinze gendarmes français, arrive vers 20 heures à l’entrée d’Aups. Aidé par les résistants du village, les hommes du Camp ROBERT attaquent la colonne. Essuyant quelques tirs de mitraillettes et un lancer de grenades, les Allemands eurent deux morts et trois blessés. Ils repartirent sans essayer de pénétrer de force dans le village, mais en emmenant deux otages. Un gendarme allemand isolé avait été abattu auparavant. Aups devint désormais la cible de l'occupant et des collaborateurs.
Les Allemands menaçant de réagir durement, les autorités françaises , préfet , intendant régional de police et chefs de la Milice négocièrent et prirent en charge la répression. Les gendarmes refusant d’intervenir, c’est la Milice qui en fut chargée. Le 12 juin, la Milice de Marseille sous la conduite de l’intendant de police régional PANABOEUF et avec l’appoint de celle du Var forte de 200 hommes, investit la commune, contrôla les hommes qui y étaient restés, en réquisitionna environs 80 qui furent envoyés en deux groupes au travail obligatoire à Saint-Raphaël et Fréjus. Mais, à l’un des barrages établis à l’entrée Nord d’Aups, route d'Aiguine, à la "Villa rose", deux maquisards du camp VALLIER, Ernest MILLET de Hyères et le gendarme résistant François DUCHATEL, de la Brigade de AUPS, qui descendaient du Maquis avec une camionnette pour se ravitailler furent interceptés et fusillés car une arme avait été trouvée dans le véhicule. La Milice arrêta un de leurs compagnons et le restaurateur AUTHIEU, elle brûla la ferme MAUREL. Les F.T.P réfugiés sur les hauteurs du village purent s' échapper.
Extrait du cahier de route du commandant VALLIER, chef du maquis :
Lundi, mon vieux copain Millet, Ernest Millet avec qui nous étions déjà si copains autrefois, avant la résistance, au vieux temps des cars Hyères-Tour Fondue, et avec qui insensiblement on était devenus des amis depuis que nous étions “résistants”, Millet est tombé sous les balles des miliciens. Avec lui est tombé Duchâtel, un des 3 gendarmes d’Aups qui sont venus pour se battre avec nous et qui depuis longtemps nous aidait, grâce à son métier de gendarme2.
Ils allaient pour le ravitaillement à Moissac et à Aups et ont été pris dans une embuscade des miliciens. Bouet, l’un des gendarmes a réussi à se sauver et est revenu au camp le soir tard, et c’est par lui que j’ai appris le traquenard. Il ne savait rien du sort de ses camarades, et c’est le lendemain, par les “on-dit” du pays et le soir par un télégramme officiel adressé d’Aups à Aiguines où habitait la famille de Duchâtel, que j’ai su la mort de mes deux hommes. Ernest a été tué par une balle en pleine figure et Duchâtel après avoir épuisé les munitions de son revolver s’est fait tuer au garde à vous. Les miliciens ont laissé les corps dehors au soleil toute la journée avec un écriteau portant: “C’est ainsi que meurent les traîtres de la France”. Et on veut qu’il n’y ait pas de haine entre Français!
Autrefois je ne voulais combattre que contre les Boches, mais le soir où j’ai appris cela, j’ai juré vengeance à Ernest et à Duchâtel - impitoyable.
Deux jours après, les obsèques des deux fusillés rassemblèrent une grande partie de la population. Maquis A.S et F.T.P se grossirent de nouvelles recrues, les jeunes gens non armés avaient été renvoyés au village. À Aups, le garage ROUVIER devint celui des F.T.P. Ceux-ci, par leurs multiples actions, créèrent l’insécurité sur les arrières des occupants, en particulier autour du 14 juillet. Les Allemands envoyèrent de faux maquisards pour recueillir des informations. C’étaient des éléments du P.P.F incorporés auprès de l’état-major de la 242e division d’infanterie comme éléments Brandebourg et, probablement, des agents femmes de la Gestapo. Certains furent décelés et exécutés. Des agents du Sipo-SD de Draguignan vinrent enquêter à Aups le 8 juillet. C’était le prélude à l’attaque d’envergure qui eut lieu le 22 Juillet contre tout le secteur. Le village fut occupé à 6 heures du matin par une colonne venue de Brignoles. Une voiture du camp A.S Vallier fut interceptée ; deux de ses occupants, Dominique LUCCIANI, un des fondateurs du camp, et Antoine CHAUDE furent tués. Les deux autres occupants de la voiture, blessés, purent en réchapper grâce aux soins qui leur furent prodigués. Il en ira pas de même d’un camionneur de passage et de Rosette CIOFI, âgée de 17 ans, mortellement atteinte alors qu’elle tentait de prévenir les maquisards sur la place même du village. Elle mourut le lendemain à Draguignan. Le garage ROUVIER et les maisons attenantes furent détruits à l’explosif. Pendant ce temps, le Plan de Canjuers/Aiguine était ratissé . Une colonne allemande monta à l’attaque du camp F.T.P ROBERT installé à la ferme La Tardie où les F.T.P venaient d’être rejoints par des transfuges du maquis A.S. Cette attaque allemande entraîna la mort de plusieurs maquisards et civils, 9 hommes au total : deux des chefs du camp ROBERT, Henri GUILLOT et Martin BIAGINI, partis en moto d’Aups rejoindre le maquis après avoir appris qu’il était menacé, deux de leurs hommes, Serge CHIESA et Louis ROUVIER, tué à La Tardie, l’épicier Louis GAUTIER, membre de l’A.S, venu chercher un médecin au camp F.T.P pour soigner les blessés d’Aups, deux sympathisants du maquis, Fernand SERAFINO et Joseph BONDIL, deux occupants d’un camion venant des Alpes-Maritimes , Jean BARRUCHI et Jean ROSSI, âgé de 15 ans, se dirigeant vers la commune de Vérignon. Les fermes furent fouillées et certaines incendiées. Le village de Bauduen fut cerné et ses habitants contrôlés. Des résistants furent raflés à Salernes au retour de l’expédition.
Le Plan de Canjuers fut à nouveau la cible d’une nouvelle opération allemande les 1er et 2 août. Deux maquisards FTP – Victor BENOIT et Gustave BERNE furent pris au retour de mission et fusillés non loin du village de Tourtour. Plusieurs granges furent incendiées, mais les maquisards purent se dégager. Cependant, les Allemands, de retour d’expédition, prirent à Aups 14 otages qui furent conduits à Brignoles. l'un d'eux, Jean MORHANGE nouvellement désigné comme responsable A.S, indiqua sous de terribles tortures 2 dépôts d’armes alors que Martin CIOFI fut relâché et parvint a rejoindre Aups pour prévenir les autres membres. Une nouvelle expédition eut lieu le dimanche 6 août ; 4 autres fermes furent brûlées mais, prévenus les résistants du village purent s’éclipser. En revanche, ils n’en eurent pas le temps le 12 août : ce jour-là, les Allemands, toujours accompagnés de leurs auxiliaires du Miliciens ou P.P.F, procédèrent à 12 arrestations de résistants connus et mirent la main sur un dépôt d’armes. La veille, la Wehrmacht avait attaqué le groupement des maquis F.T.P bas-alpins et varois qui avait été effectué de l’autre côté du Verdon, près de Sainte-Croix-du-Verdon, tuant 19 maquisards dont plusieurs issus du camp ROBERT.
Aups sera totalement libéré par La résistance et les troupes Américaines de la 45em division d'infanterie, et du 117em escadron de Cavalerie du 6em corps , appelée "Task Force Buttler" les 18 et 19 août 1944.
tués du secteur :
Maquisards et résistants Armée secrète :
CHAUDE André, Cannes (Alpes-Maritimes), commerçant
DUCHATEL François, Aups (Var), gendarme
GAUTIER Louis, Aups (Var), épicier
LUCIANI Dominique, Draguignan (Var), ouvrier mécanicien
MILLET Ernest, Hyères (Var), chauffeur
Maquisards Francs Tireurs Partisans :
BENOÎT Victor, Toulon (Var), ouvrier de l’arsenal
BERNE Gustave, Draguignan (Var)
BIAGINI Martin, Aups (Var), bûcheron
CHIESA Serge, La Palud (Basses-Alpes), bûcheron
GUILLOT Henri, Toulon (Var), étudiant
ROUVIER Louis, La Seyne (Var), marin-pompier
Sympathisants de la Résistance et civils :
BARRUCHI Jean, Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes)
BONDIL Joseph, Bauduen (Var), agriculteur
ROSSI Jean, Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes)
SOURCES : Opération-dragoon. com , National Archives USA, Gleb Sivirine, Le Cahier rouge du maquis, Artignosc, Paroles éditions, 2007. — Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, 1989 et notices communales dans Résistance Var, bulletin de l’ANACR du Var, chronique « La Résistance de A à Z », 1993-1999. Archives départementales Var.
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